Le flux Créatif Intellectualisé

Il faut entendre par ‘intellectualisé’ tout ce qui se rapporte à l’activité intellectuelle qu’elle soit liée à l’esprit d’analyse, à l’acquisition des connaissances, à la faculté d’un raisonnement au sens logique.

Le flux créatif intellectualisé se distingue du flux créatif immatériel dès lors qu’il est généré par un processus intellectuel. Il se révèle comme étant interne au sujet, dépendant de lui et de son environnement. D’autre part, il se manifeste toujours à partir d’un point d’ancrage physique via les 5 sens (image, son etc.), corporel (gestuel par exemple) ou psychophysiologique (émotion), associé à une empreinte corporelle ou mentale (mémoire, souvenir).

La réunion d’un phénomène en train d’être vécu et d’une situation déjà vécue produit une interaction, relayée par les facultés intellectuelles du sujet. Elles sont recensées ici dans une approche perceptive et distincte de part leur constitution.

Perception analytique

Le champ sémantique qui consiste à définir le mot ‘analyser’ porte principalement sur 2 axes :

  • l’étude et l’examen par la composition, décomposition, démonstration ou même résolution,
  • la synthèse (un aspect ou sa globalité).

Il s’agit d’émettre des perspectives créatives (idées, concepts) sur la base d’un mécanisme analytique, d’un processus purement intellectualisé. Dans ce cas de figure, cela part d’un constat, d’un sujet ou d’un état.

Connexion de neurones par une synapse - flux créatif intellectualisé

Prenons un exemple simple :

Contexte

Un animal tel qu’un chien qui découvre un oiseau (en train de voler) ne cherche pas à voler, à apprendre à voler ou à trouver une solution pour pouvoir voler. Son instinct lui dicte qu’il n’est pas un oiseau (différenciation), qu’il n’est pas fait pour voler (objectivité), qu’il n’a aucun besoin de voler (condition). Sa nature ne le conditionne pas à voler car elle ne répond à aucun besoin vital ou subsidiaire à son évolution. Son capital génétique n’est donc pas adapté pour évoluer en ce sens et n’évoluera pas si le conditionnement ne change pas, si la nécessité n’intervient pas comme un facteur de besoin.

Qu’en est-il de l’être humain ? Il découvre un oiseau en train de voler, il va pouvoir ‘imaginer’ :

1/ la sensation générée par le fait de voler (sensation de liberté, de légèreté etc.),

Or, qu’en serait-il réellement si nous étions en capacité physique et physiologique de voler ? Serions-nous capable de nous envoler aussi facilement et promptement qu’un oiseau ? Faudrait-il au contraire envisager un temps de préparation et un conditionnement spécifique (concentration ou autre) ? De la même manière, aurions-nous autant de faciliter à nous déplacer dans les aires ? Le fait de voler dans les rêves indique parfois le contraire ! Ne parlons-pas de l’atterrissage et en quoi cela pourrait consister !

Cette sensation positive est liée à une envie, une envie de bien-être, de se surpasser ou autre mais en aucun cas, ne répond à un besoin.

L’imaginaire se déclenche sur le rapport analogique qui coexiste avec le mimétisme potentiel qui s’établit d’un sujet à un autre (analogie). De fait, il s’oppose au rapport objectif (je ne peux pas) et surpasse la dimension conditionnelle qui correspond à ce stade à : je ne dois pas.

Le rapport de cause à effet peut s’exercer à plusieurs niveaux :

  • une sensation positive (le fait de ressentir un bien-être, ou la sensation de légèreté qu’on aurait pu déjà ressentir dans l’eau ou dans un rêve en plein vol),
  • une projection pour contrer un état, une sensation négative (le fait de vouloir être autre et ne pas accepter sa simple condition humaine et sa différenciation).

Le processus et la place de l’imagination

Première étape => Observation, voir l’oiseau (le sujet) en train de voler (l’action)

Deuxième étape (démarrage de l’intellectualisation) => Anthropomorphisme (dans le sens où l’on associe le sujet à ses propres caractéristiques), il a de la chance de pouvoir voler contrairement à moi, ça doit être bien etc.

Troisième étape => Mimétisme, je veux être ou faire comme lui

Quatrième étape => Opposition à l’instinct, je sais que je ne le peux pas ou si je ne le dois pas mais j’en ai envie.

Cinquième étape => Détournement par l’imaginaire au sens d’une projection. Dans ce parcours, l’imaginaire n’intervient qu’en dernier lieu, il est l’instrumentalisation d’un processus d’intellectualisation propre à une envie.

2/ l’intérêt de voler pour se déplacer rapidement d’un endroit à un autre.

Cet état repose sur un principe de besoin. Le rapport analogique va engendrer un mimétisme relatif à un fait ou une action et produire une conjoncture propice à la créativité.

Le rapport de cause à effet peut s’exercer à plusieurs niveaux :

  • ressentir le besoin de voler pour se déplacer, pour aller plus vite, comme une solution à une éventuelle contrainte spatiotemporelle,
  • ressentir le besoin de prouver qu’on peut évoluer par nos propres moyens.

Le processus et la place de l’imagination

Première étape => Observation, voir l’oiseau (le sujet) en train de voler (l’action).

Deuxième étape => Mimétisme, je veux faire comme lui et précisément voler pour me déplacer.

Troisième étape => Objectivité, je ne peux et ne doit pas en l’état.

Quatrième étape => Créativité, quel moyen ou quelle solution je peux mettre en place pour y arriver que je puisse ou non arriver à mes fins ? Dans ce cas, la créativité intervient pour répondre à un besoin.

Perception cognitive et didactique

La perception cognitive et didactique se définissent ici par l’acquisition des connaissances, relative à la mémoire dans toutes ses formes (mémoire génétique, mémoire sensorielle etc.).

Il s’agit d’émettre des perspectives créatives (idées, concepts) sur la base d’un mécanisme lié à l’apprentissage, à la capacité mentale du sujet d’assimiler et de traduire des données de toutes natures et de toutes formes, à la capacité intellectuelle de réutiliser cette base.

Prenons toujours le même exemple :

Contexte

En partant du principe que je souhaite voler exactement comme un oiseau, réaliser mon envie. Si nous nous imaginons tel que nous sommes et donc non adaptés pour voler, nous avons des difficultés à nous imaginer voler à l’état d’éveil, tandis que c’est plus facile lorsqu’on rêve.

La projection est plus difficilement réalisable car l’instinct de survie (objectivité) se révèle plus puissant que notre capacité à imaginer ce qui nous mettrait en danger, ce qui provoquerait notre mort.

Pour autant, si nous induisons cette projection sur autrui (et non une projection personnelle), il est déjà plus aisé de l’imaginer gesticuler dans les aires.

Si je m’équipe avec des ailes et de la cire par exemple (Dédale et Icare), me sentirais-je davantage en confiance et rassuré(e) ? Bien sûr que non, mais pour autant, la projection ne rentre pas en opposition directe avec l’instinct de survie, l’imaginaire peut s’exercer sans contrainte vitale.

Si je m’équipe d’un appareil qui ressemble à un oiseau mais qui ne l’est pas, je peux aisément me projeter avec au préalable un degré de confiance certain vis-à-vis de l’attirail !

L’instinct de survie n’entre plus en jeu, l’imaginaire s’évade. Le Wingsuit rentre presque dans cette catégorie là !

Nous savons qu’il ne suffit pas d’avoir des ailes pour savoir ou pouvoir voler. Nous savons que nous ne sommes pas en capacité de voler. Nous savons que nous déguiser en oiseau ne nous permettra pas plus de voler. Nous savons que…

Et tout cela, nous le savons car nous faisons l’expérience même de notre force d’attraction au quotidien depuis notre naissance et peut-être même avant, que nous avons fait l’expérience de tomber sans pouvoir amortir la chute par un envol…

Cette connaissance qu’elle soit consciente ou inconsciente, couplée à nos mémoires individuelles diverses est toutefois régie par nos instincts d’une manière ou d’une autre.

On pourrait me dire que cette hypothèse est incorrecte : pourquoi j’arrive à imaginer mon enfant mort alors qu’il est vivant ? Pourquoi j’arrive à m’imaginer avec une maladie incurable alors que ce n’est pas le cas ? etc.

La capacité intellectuelle permet de pouvoir tout imaginer mais dans ce genre de situation, l’imaginaire ne correspond pas/plus à une activité créative mais devient l’instrumentalisation de l’intellectualisation qui va générer de l’angoisse, de la peur ou autre. L’instinct de survie n’a pas pour vocation d’engendrer de la peur, il va transmettre des signaux par anticipation, soit le sujet va réagir avant, soit il va se trouver confronter à une situation qu’il va vivre dans la peur (pour le faire réagir, dernier recours)… La peur est un outil en quelque sorte, un des moyens que le corps a pour communiquer avec le sujet. Au final, il est clair que la peur servira l’instinct de survie.

Et si au lieu de créer un appareil qui ressemble à un oiseau, je tente de créer une machine, un outil (comme un prolongement de soi) qui me permette de voler ? Deltaplane, parachute, parapente, etc. Voire même un appareil qui fonctionne à la fois comme une coquille (protection) et comme une marionnette (contrôle). Léonard de Vinci a su développer des concepts très en avance sur son temps, comme l’avion, l’hélicoptère, le sous-marin et même jusqu’à l’automobile. Très peu de ses projets ont été réalisés ou même seulement réalisables de son vivant et pourtant, il était clairement possible de les imaginer et concevoir.

Perception déductive, inductive, d’abduction

Dans les trois cas, il s’agit de principes de logique.

1/ La déduction repose sur la conception que les moyens ne sont pas plus importants que la conclusion.

2/ L’induction consiste à former des représentations généralistes à partir d’un ou plusieurs faits particuliers.

3/ L’abduction (d’un point de vie épistémologique) permet de conclure à titre d’hypothèse que le fait observé est peut-être dû à la cause connue.

Que l’attention/la perception/la réflexion soit portée sur le fait, le moyen, la conclusion et/ou que le résultat prédomine sur l’hypothèse ou l’inverse, le processus créatif est régie par le sens logique mais paradoxalement qu’il soit finalement ou non rationnel.

Cette troisième partie est intimement liée au flux immatériel et il est important de noter qu’en psychologie cognitive, l’abduction est considérée comme une forme de raisonnement intuitif voué à écarter/supprimer les solutions improbables.

Cependant, l’étymologie du terme logique ‘science du raisonnement’ démontre parfaitement le caractère intellectualisé qui réside dans cette démarche, cette capacité. Il faut prendre en compte que ce n’est pas une capacité innée dès lors qu’elle est soumise à s’éveiller par l’apprentissage. Par contre, dans le cas du flux immatériel, si nous avions dû la citer, elle porterait une dimension native, innée au niveau du sujet.

Du coup, il ne s’agit pas d’émettre des perspectives créatives (idées, concepts) mais de les orienter, de les diriger, presque de les matérialiser par le biais d’un processus logique. Le raisonnement soumis au capital intellectuel du sujet établira des connexions rapides (circuits courts), des évidences logiques, des raisonnements condensés etc.

Ce qui peut, dans la finalité, prendre une dimension influente et déterminante, car les arguments font appels à des schémas simplifiés, des concepts généralistes ou suffisamment larges pour répondre à un ensemble, ce qui souvent séduit majoritairement.

En suivant le même exemple, on pourrait dire et de manière grossière accentuer les théories suivantes :

De manière déductive, si les oiseaux peuvent voler, il doit être possible pour l’être humain de voler (l’importance de la conclusion prime sur les moyens).

De manière inductive, certains animaux ont des ailes mais ne peuvent pas voler, certains volent et pourtant ils n’ont pas d’ailes. Il ne suffit donc pas d’avoir des ailes pour voler (mise en valeur d’une théorie commune même si les faits divergent).

De manière abductive si on peut dire, si les animaux pourvus d’ailes ne volent pas, c’est parce qu’ils sont trop lourds (mise en exergue de la cause connue ou du moins ici la plus connue !).

Conclusion

Le flux créatif intellectualisé se concentre donc principalement autour de =

  • l’observation et la capacité à être attentif,
  • la reconnaissance suite à l’acquisition de connaissances (apprentissage, éducation etc.),
  • la mémoire (toutes les formes mnésiques),
  • l’analogie et tous les rapports associés (association, dissociation, composition, décomposition, démonstration, résolution etc.),
  • la capacité d’analyse, mentale et intellectuelle dans le but d’identifier, d’utiliser les éléments, de les traduire dans de nouvelles fonctions, de leur attribuer de nouvelles essences, de détourner les sens etc.
  • la capacité à créer un enchainement, un processus logique même si à ce niveau, on commence à se détacher du flux intellectualisé, cette partie détermine toutefois l’orientation qui va soit permettre à l’idée d’émerger soit de la faire évoluer à un degré plus avancé, les prémices de la Stratégie.

Dès lors qu’il est soumis à un environnement, le processus d’intellectualisation se structure sur la base des connaissances et l’état perceptif du sujet (conscience des besoins) pour donner lieu à des théorisations ou engranger des objectifs. Cette partie est détaillée dans Créa & Sciences.